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BRAINSTORMING
entretien avec Amélie Pironneau, 2001
paru dans le catalogue Hervé IC, galerie Valérie Cueto, février 2002

Amélie Pironneau – Ta peinture laisse deviner le souci de trouver une forme capable d’arrêter le regard. Pour les Nus, il s’agit de concentrer l’attention sur la présence des corps. Dans d’autres cas, il s’agit, au contraire, de brouiller les formes, de rendre la vision incertaine. Dans la série « Las Vegas », il s’agit de jeux de construction d’images, d’un semblant d’ordre, mais qui échappent à l’interprétation.
Quelles relations y a-t-il entre ces différents procédés ? En quoi ces formes d’expression diffèrent-elles d’une recherche purement formaliste ?

Hervé Ic – Le formalisme pur ne m’intéresse plus.
Il accompagne le développement de la robotique depuis les années 30 et permis à New York de devenir la place historique que l’on sait. Tout cela est parfaitement intégré à notre quotidien. En mathématiques, lorsque deux théorèmes donnent le même résultat, le plus simple est le meilleur. C’est pourquoi le formalisme tend vers le minimalisme et la simplicité des certitudes.
Il en va tout autrement de la pensée humaine qui grossit les problèmes pour les expliquer. En image, mon raisonnement est davantage de ce type-là. Quand quelque chose m’intéresse, je le complexifie pour lui faire une plus grande place.
Toute la différence est temporelle. Le temps humain et le temps robotique sont incompatibles. Les systèmes de sécurité finissent toujours dans le temps humain, c’est-à-dire dans un temps arrêté qui permet la compréhension d’un phénomène et pas seulement son traitement. P.Virilio a parfaitement expliqué la nécessité de conserver un temps de réaction humain.

A. P. L’image peinte, à la différence d’autres images, existe par elle-même ; elle « parle » directement par les lignes, les couleurs. Elle résiste à l’analyse.
Merleau-Ponty dit qu’un tableau est comme « un être où l’on ne peut distinguer l’expression de l’exprimé, dont le sens n’est accessible que par un contact direct ». Les artistes qui, comme toi, pratiquent la peinture depuis les années 80, n’ont-ils pas le désir de rendre ce « contact » nécessaire ? Le tableau comme moyen d’ouverture au monde, donc aux autres, sans passer par les mots, par l’entendement ? La peinture pour « rendre visible » ce qui sans elle serait resté invisible ? La peinture, non pour changer le monde, mais pour changer notre regard sur le monde ?

H. IC Au lendemain de la guerre Rothko lisait Merleau-Ponty parce qu’il cherchait une vision plus subjective. Cette articulation s’est inscrite dans le passage d’une période stable à une période plus chaotique de l’histoire.
Je pense effectivement que la peinture, plus que tout autre médium de fabrication des images permet de construire une vision du monde et de la faire évoluer, de l’affiner, de la complexifier pour qu’elle soit plus en accord avec un monde incertain.

A. P. La situation d’un artiste, à la fin du XXème siècle, est difficile : comment créer encore du nouveau quand tout a été tenté ? Il doit, pour ne pas subir le poids de l’histoire, prendre une distance par rapport au passé, trop présent.
Comment envisages-tu cette relation à l’histoire de la peinture et de la sculpture (que tu pratiques aussi) ?

H. IC D’abord je ne suis pas d’accord avec ce pessimisme égocentrique et je ne suis pas un artiste de la fin du XXes. Ma situation personnelle, comme celle de beaucoup de mes amis, est difficile, mais cela est dû à des raisons extra artistiques. C’est le présent qui m’inquiète, pas l’avenir. Je me sens plus proche des générations qui ont entre 20 et 30 ans que de mes aînées.

C’est l’instant présent qui m’ennuie. Rigide et mécanique, il se réduit souvent à la simplicité du manque d’argent. Le monde médiatique y laisse peu d’échappatoire. En art, l’immédiat est un caprice. L’Histoire, au contraire, semble une source de variété extrêmement riche.

Le chemin de la peinture contemporaine est ténu, entre ce qui a été fait et ce qui n’est pas à faire. Cependant, et contrairement à ce que disent certains, je crois que la question du « nouveau-qui-compte » reste essentielle. L’art ne peut renoncer à être un domaine de connaissance, et comme en science, la connaissance passe par la recherche, c’est-à-dire par le désir contraignant de découverte. Le champ de la peinture est si vaste, son histoire si longue qu’il peut légitimement sembler accompli. Cet argument de bonne intention bourgeoise qui voudrait l’en alléger est faux car il en ferait un simple divertissement.
Il peut exister dans un territoire apparemment visité et trop vite clos. Cependant, je crois que le nouveau est forcément devant.

Je ne suis pas très sûr des relations entre ma peinture et ma sculpture, toutefois, en passant de l’un à l’autre je peux avancer. J’imagine qu’il en va de même pour les autres artistes.

A. P. « Quand quelque chose m’intéresse, je le complexifie pour lui faire une plus grande place », autrement dit, la peinture doit rendre compte de l’activité de la pensée et être « une école de pensée » (M. Raysse). La peinture moderne, en abandonnant la reproduction du même, en introduisant la notion fondamentale d’écart, a montré la capacité de transformation de l’image peinte.
Reprends-tu à ton compte cette fonction critique de la peinture moderne ? Les procédés que tu utilises (flou, construction…) sont – ils destinés à subvertir l’évidence visible ?

H. IC Depuis l’Ecole d’Athènes jusqu’aux Illusions perdues tout est l’école d’une vie moderne qui a connu des bouleversements que seule l’incroyable capacité de contorsion de l’esprit humain a permit de dépasser. La notion d’écart est indispensable à la vie elle-même qui trouve son chemin là où on ne le voyait pas, là où personne ne spécule, dans les restes.

Stella pensait-il davantage au Caravage ou à la bannière étoilée lorsqu’il entreprit les Black Stripes ?
Die Fahne hoch ! apporte un début de réponse. Et j’aime mieux les hommes politiques qui ne font pas précisément ce qu’ils disent. Judas disait dans la dernière tentation du Christ, « si tu t’écartes du chemin, je te tue ». Combien de peintres ont voulu jouer le rôle ? Mais encore faut-il savoir de quoi on s’écarte.
Lorsque j’ai commencé mes portraits de dos, je pensais : « Il faut savoir tourner le dos à ses origines ». Mes origines en peinture sont modernes et mon sentiment est que la modernité ronronne tièdement depuis un moment sans que les peintres en particulier français n’arrivent à s’en décoller. R. Barthes dit : « Etre moderne, c’est savoir ce qui n’est plus possible ».

Transformer, déformer l’image de la réalité ne m’intéresse pas, d’ailleurs toutes ces opérations existent sur palette graphique.
Mais si l’enjeu consiste à voir autrement la réalité, car elle existe, ne nous y trompons pas, il faut d’abord s’en saisir. C’est pourquoi je m’efforce d’être patient, précis, ciselé lorsque je peins. Bien que l’effet m’ait amusé un temps, je ne me retrouve pas dans l’utilisation du flou richterien qui surgit symptomatiquement un peu partout comme échec de la saisie du réel, trouble bien commode, forme de l’impuissance.

L’évidence visible c’est d’abord ce qu’on nous propose : répétition et platitude des images, infaillibilité du raisonnement que le prestidigitateur exhibe avant son tour.

L’évidence visible c’est aussi celle du marché. Le maniérisme des pompiers valorisait la performance technique. Celui d’aujourd’hui cherche l’habileté commerciale. Mais ce n’est pas le marché qui fait l’histoire
L’évidence visible c’est, à travers les liens spécifiques de l’économie et de la culture, une régulation institutionnelle que le XIXes a déjà connu. Ma génération née après une longue période de prospérité, ne peut exister qu’après ces certitudes-là. C’est pourquoi il me semble qu’il y a une coupure non chronologique entre les générations d’avant et d’après 68-70. Avec, comme signifiant fort, le retrait du sensible.

N’est-ce pas dans l’écart que l’érotisme se révèle, et dans la digression que le peintre se dévoile ?

A. P. Tu dis : « la peinture, plus que tout autre médium de fabrication des images permet de construire une vision du monde, et de la faire évoluer, de l’affiner, de la complexifier pour qu’elle soit plus en accord avec un monde incertain ».
La peinture, au XXème siècle, a pris en effet en compte les évènements tragiques de l’histoire. Elle a dû inventer des formes capables de figurer l’infigurable, de montrer la destruction de la figure humaine. Elle a créé un langage des formes.
Quelle est ta manière de témoigner du présent, du chaos et du non-sens qui le caractérisent ?

H. IC L’absurde c’est d’abord le nombre croissant des images de la réalité quotidienne que nous produisons en même temps que le sentiment de ne pas la comprendre.
En dehors des incontournables : paysages et portraits, j’ai cherché des sujets qui échappent à l’imagerie actuelle. Ce qu’il ne faut pas faire en somme : cimetières, figurines d’églises, petits oiseaux, scènes de chasse, batailles navales, des trucs désuets, mais chargés d’affecte et de symbolique.
Je pense qu’une image simple est presque toujours récupérable. On peut lui faire dire ce qu’on veut, la compromettre. Pour échapper à cette réduction du visible, il faut charger l’image. La charge est pour moi une manière d’approfondir le tableau, de le rendre imperceptible au regard rapide, de forcer l’attention, d’encourager à scruter, à voir derrière.
La complexité est la seule forme irrécupérable de l’image. Subvertir l’évidence visible, c’est conserver l’intégrité de l’image, à l’inverse de la provocation qui joue d’un effet.
L’Erotisme, chargé d’affects, échappe à cette codification alors que la pornographie semble l’ultime persistance d’un réalisme dur.

Je ne crois pas au « langage des formes ». L’image de synthèse est la seule vraie image issue d’un langage. Je l’ai étudié le temps qu’il fallait pour comprendre que continuer ça aujourd’hui revient à faire des mots croisés.
Pourtant le formalisme a déjà produit des œuvres émouvantes : que l’on pense au sérial project (A,B,C,D), 1966, de Sol Lewitt, ou à certaine scènes de 2001 l’Odysée de l’Espace, dans lesquelles l’esprit humain se confronte à l’infini à travers autant de constructions mentales qui le réfléchissent.
Mais pour saisir l’existence, un point de vue doit succéder à un autre. Eyes Wide Shut nous rappelle combien le risque d’enfermement est grand lorsqu’un point de vue exclusif est adopté par une communauté.
Il me semble qu’une certaine peinture est dominée par ces survivances alors que l’imagerie spécifiquement contemporaine, dont la photographie est actuellement le meilleur témoignage, apporte d’excellents exemples d’articulations entre une analyse logique et le temps présent, humain ou social.
Ne doutons pas que l’Intelligence Artificielle traduira les mêmes sentiments qu’un comédien. Il suffit d’y travailler. Déjà, en 1982, le dernier répliquant de Blade-Runner nous le vaticinait lorsque, à l’extrême fin de sa durée de fonctionnement, il choisissait d’être du côté de la vie.

Enzo Cucchi dit, « on ne peut s’y agripper, ni la distancer. L’image est ».

A. P. « Je crois que le nouveau est forcément devant ».
Ce que tu ressens rejoint la déclaration de Martial Raysse : « la modernité est à venir ». La peinture moderne, parce qu’elle remet en cause les conventions et le goût de son temps, ne cesse de transformer l’art, lui invente par là même un futur.
Ta peinture se place-t-elle à son tour dans ce rapport critique avec la tradition qui doit être continuellement recommencée ?

H. IC Je ne comprends pas ce qu’est la tradition en art. Je vois des expériences intéressantes et d’autres qui ne le sont pas. Les premières se comprennent, les autres non.
Je ne sais pas ce qu’il est possible de recommencer. Le monde intelligent, donc sensible, change continuellement, s’adapte et intègre parfaitement la mésaventure précédente. Dans ses textes, Richter raconte très bien cette expérience du jeune peintre qui consiste à recommencer avec acharnement une toile pour obtenir ce qu’il voulait. Mais ça ne marche pas, on aboutit chaque fois à un nouveau tableau. Plus tard on comprend qu’il faut changer de toile pour aller de l’avant, et produire davantage !

C’est un peu l’état d’esprit avec lequel j’ai abordé mes dernières séries, sauf que je n’ai pas changé de toile. J’ai recouvert, lorsque j’en étais satisfait, mes tableaux par d’autres plus transparents. Le résultat est une construction de l’espace par superposition qui succède à mes constructions par juxtaposition. L’image s’en trouve considérablement chargée et le temps ralenti.
Le temps n’est qu’une vue de l’esprit qu’on organise pour bâtir. La vision d’une œuvre obéit à la même contorsion : orienter le regard pour faire apparaître de l’intelligence. Cette opération dépasse l’image.
En représentant mes amis de dos je tire notre regard vers le leur qui reste pourtant invisible. Mais la toile gagne en profondeur.

Quand mon chat regarde une émission animalière, il s’en détourne dès qu’apparaît le commentateur parce qu’il ne sait pas que le petit oiseau réapparaîtra ensuite. Pour lui, ce qui n’est plus visible n’est plus.
Heureusement, en art, on ne fait pas trop attention aux commentateurs…

A. P. Revenons à tes dernières séries…
Tu parles « d’une construction de l’espace par superposition ». L’effet produit par cette superposition entraîne un rapport nouveau du regardeur à l’œuvre. En effet, l’image se dissout, l’identification de ce qui est représenté est compromise : le spectateur entrevoit plus qu’il ne voit. Il doit ajuster sa vision et entrer dans la peinture. Par ce jeu entre la toile et le plan qui multiplie l’espace, en quelque sorte, ton désir n’est-il pas de redonner au tableau une profondeur, de montrer qu’il n’est pas l’étendue plate bi-dimensionnelle ainsi que le concevait le modernisme ?

H. IC « Ajuster sa vision », oui. Lorsque je lisais Castaneda, j’aimais bien l’expression « assemblage du monde ». Le New Age s’est dissous dans ces propres fragmentations, mais il en reste une multiplication des perspectives extrêmement riches. On a pris l’habitude de côtoyer, non sans difficulté, des gens qui pensent différemment. Cela demande de prêter attention aux altérités.
Dans ces toiles, on ne perçoit pas immédiatement l’espace du deuxième plan. Ensuite on passe d’une figure à l’autre sans confondre les champs visuels. Tout cela s’organise d’autant mieux que chaque couche à été bien peinte.
C’est pourquoi je ne cherche pas à troubler l’image. Ce procédé séduisant a eu son heure. Au contraire, je cherche une image claire, identifiable, précise, mais qui ne se donne pas immédiatement comme une vérité unique. Une image multiple.
On peut penser à plusieurs choses en même temps. La pensée comme l’affecte garde sa consistance dans l’expansion. « Penser à autre chose » est une forme de survie.

Notre monde citadin manque terriblement de profondeur au point que ses images continuent d’affirmer des vérités plates qui se confondent avec les murs. Voir derrière c’est autre chose. Un polythéisme pictural en somme.

A. P. Cette multiplication spatiale entraîne une démultiplication temporelle. Il y a plusieurs temps dans le tableau car plusieurs tableaux (l’original et celui qui vient le recouvrir). L’espace est saturé de formes all-over, lesquelles, comme dans la peinture baroque, semblent déborder l’espace pictural.
Marcel Duchamp appelait le tableau, le « retard ». Il posait le problème de l’achèvement du tableau ou plutôt celui de son inachèvement. Quand décides-tu que le tableau est fini ?

H. IC Il est fascinant de constater qu’on rencontre les mêmes questions dans la vie que sur une toile. Il faut patienter et souvent s’y prendre à plusieurs fois pour occuper un autre point de vue. Mais j’aime bien l’idée qu’on puisse passer devant mes toiles et n’avoir rien vu. Au fond, la dissimulation, comme le camouflage est une stratégie guerrière. De guerre et de chasse. Ne pas être là où on nous attend. Du fleet in being.

J’ai souvent été fasciné par les peintures all-over qui sont généreuses avec le regard et échappent toujours un peu à l’entendement. Lorsque je commençais à multiplier frontalement les images, c’était cette diversité de lectures que je cherchais. Les grandes plages ou la série de l’Apocalypse viennent de là. Le motif de la rosace aussi. Tout est lié et se sépare formant un univers d’expansion, cohérent et incertain, sur son point de rupture. J’aime beaucoup Philip Taaffe.
Je ne sais pas ce que Duchamps entendait par « retard ». Mais c’est grâce au retard qu’on arrive à spatialiser un événement. L’écart des yeux, l’effet Doppler, le syndrome de l’escalier…
Lorsque l’espace pictural est construit, on peut ajouter ce qu’on veut dessus. La picturalité de la toile s’augmente et il est possible de circuler dans cet espace en passant d’un objet à l’autre, sans fin.
Je pense que le tableau est fini lorsqu’on arrive à le situer.

A. P. Je reviens à ton idée de « construction de l’espace ». Ce terme renvoie davantage à l’architecture. On ne peut d’ailleurs pas retenir, en ce qui concerne ta peinture, l’idée de « composition ». Tes tableaux répondent davantage à une logique d’ordonnance ornementale, ne serait-ce que par le choix du motif. Encore une allusion à l’art baroque ? Pourquoi le motif de la chasse ?

H. IC J’ai appris que l’ornement est l’expression du pouvoir. Le baroque reste dans l’histoire une alliance exceptionnelle entre l’ordre et le désordre, entre le pouvoir et son point de rupture. Le foisonnement du XVIIe est fascinant. Quel chemin entre Wouverman, Picabia, Polke et Salle ! Quelle Course ! À ma connaissance, tous ont peint des motifs décoratifs, des transparences et probablement des scènes de batailles. C’est toujours Jacob contre l’ange.

Récemment j’ai découvert l’œuvre de Elmar Trenkwelder. De toute évidence, ce n’est pas le genre de travail vers lequel je serais porté naturellement. Bien au contraire, je fuirais ce type d’excès si un ami ne porta pas mon attention vers lui. Trop de décoration, un relent de symbolisme à la Moreau, de Romantisme du nord, soulève chez moi une méfiance irritée.
Texte d’introduction de Jacques Soulillou : « Tout décor instaure un ordre (…) Il n’y a jamais eu de « retour au décor » comme on a tenté de le faire croire avec le mouvement postmoderne. Nous n’en sommes jamais vraiment partis, simplement aveuglés par l’éclat d’une rhétorique « anti-ornementale » que de faux-penseurs continuent inlassablement de distiller. » « … Avec le décor baroque, l’ordre semble avoir beaucoup de peine à se soumettre l’ornement qui conserve une vitalité et une énergie susceptibles de rompre l’équilibre auquel aspire le pouvoir qui est le commanditaire. »
Nous voilà au cœur d’un rapport de force dans lequel chaque partie pourchasse l’autre jusque dans ses retranchements. La meute finie souvent par l’emporter mais l’art est un terrain particulièrement retors que les batailles navales et les scènes de chasse me semblaient le plus à même d’incarner.

P. Virilio explique que « la course surgit de l’histoire comme une sublimation de la chasse » et prolonge son mouvement par le « libre-échange » maritime, puis les formes modernes de la guerre. La guerre totale est ubiquitaire. « C’est cela ce monde qui de paysage-atelier est transformé en paysage-planifié, en espace impérial… »

Quoi de mieux orné qu’un navire amiral ou une crosse d’arquebuse ! il s’agit de l’expression du même merveilleux.

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La traversée des transparences
textes : Christine Buci-Glucksmann, Soko Phay-Vakalis, Amélie Pironneau
catalogue : Galerie Valérie Cueto, 48 pages, 2002